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Quand le “cri du monde devient parole” Relire « À partir du cri » accompagné de Sylvia Wynter, d’Edward Kamau Brathwaite et de Jacques Coursil

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Que Sylvie Glissant lance l’idée d’un nouveau questionnement planétaire autour du Discours antillais n’est pas une coïncidence. Le temps des cris nés des silences et de l’étouffement des cris nous ramène aux choix fondamentaux qui scandent nos existences. Le cri est impossible à définir méthodiquement et sémantiquement, à circonscrire dans son élan, même s’il est si aisé de le faire taire. Le cri n’a rien d’évident, il n’est ni panacée ni lieu commun. Le cri est tout d’opacité. Un cri n’est pas le hurlement, le “howling” qui vient hanter et qui va relier à son insu le Deep South et bientôt le Tout-monde, et que profère le dernier héritier des Sutpen, famille maudite et totale, maudite parce que totale, Jim Bond, dans Absalon, Absalon!. Ce que Glissant nous fait découvrir dans le Discours antillais, c’est au contraire à suspendre l’assourdissement de nos faux savoirs, faux car aveuglément nourris d’universels exaltants, pour que les cris enfouis par la force résonnent dans toutes nos actions, nos mots et nos gestes – pour que ce qui est là enfoui prenne forme et donne forme, autrement, dans un rythme et mouvement nouveaux. Le cri est la trace inextinguible de ce qui vit encore et toujours et qui échappe au temps inerte de la mort injuste, à l’histoire des quelques-uns, toujours les mêmes : « Je n’ai de cri qu’en cette trace où fut le sel » (Poèmes complets, 178). Le cri est infini, sa puissance est toute d’avenir. La trace n’est plus la plaie, l’alexandrin de ce vers lancine sans effacer. Le cri est l’appel, et le témoignage de cet appel. C’est pour cela qu’il est jazz et poésie. Il vient « fêler » la rumeur, comme il est écrit en exergue du Sel noir (1960). Né de la coupure fondamentale, il en maintient la faille pour la faire jaillissante : en lui tout est faille et expression de la faille – il va à l’invisible, en réveille l’esprit de lutte, la compacité des gestes – relié, il relie, et son langage est à la source de tous les langages (intuition de Rousseau cité en exergue du Discours), à contre temps des langues, et de la vocifération du meurtre. Sa polysémie en anglais est vertigineuse, comme nous le montre Edward Kamau Brathwaite dans son livre Roots de 1986, écho-soeur du Discours antillais, déployant une autre relation (mais qui a dit que celle-ci était unique ?) : « the shout, the holler, the worksong, the spiritual [...] shout of joy, growl of protest » ; « it is like a howl, or a shout, or a machine-gun, or the wind, or the wave. It is also like the blues. And sometimes it is English and African at the same time » (266). Brathwaite, de concert avec Louise Bennett (Miss Lou), Una Marson, Sylvia Wynter, George Lamming, et bientôt Stuart Hall et Paget Henry, était lui aussi en train de forger les composantes d’une exploration collective à la fois libératrice et analytique, fondée sur un diagnostic du manque mais allant de concert avec le ré-enchantement de la praxis du vivant (Wynter) . C’est pourquoi Brathwaite appelait déjà en 1967 à fonder un discours ayant une épistémè tout autre: « we still await serious and more than occasional ethno-cultural and creative sociological studies on this subject ».

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Edouard Glissant et le Discours antillais: la source et le delta

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Actes du colloque international en trois sessions

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Éditions de l'Institut du Tout-Monde

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